Interview du Coordonnateur du Programme APEF
“Depuis quelques années le Tchad a pris des initiatives salutaires dans le domaine de la conservation et les a rendues opérationnelles dans le cadre du programme APEF.”
Depuis avril 2017, Ahmat Brahim Siam est le Coordonnateur du Programme APEF, le plus important programme d’appui à la protection de la biodiversité et à la gestion concertée des Aires Protégées du Tchad.
Mr le Coordonnateur, pouvez-vous présenter brièvement le Programme APEF et ses objectifs principaux ?
ABS : APEF est le Programme d’appui à la gestion concertée des Aires Protégées et Écosystèmes Fragiles au Tchad. Il est financé par l’Union européenne à hauteur de 33 millions d’euros pour une durée opérationnelle initiale de cinq ans (2017 – 2022) et prolongé récemment jusqu’au 11 avril 2024. Ce programme vise une démarche concertée de conservation, gestion et mise en réseau de plusieurs aires protégées et écosystèmes fragiles à haute valeur écologique, culturelle et touristique au Tchad. Il renforce et ensuite pérennise les appuis depuis plus de 30 ans de l’Union européenne à la conservation et la gestion de la biodiversité au Tchad et en particulier au Parc National de Zakouma. Il correspond également à l’engagement conjoint exprimé dans le Programme Indicatif National (PIN) d’assurer un meilleur équilibre géographique des appuis, puisqu’il concerne les deux zones éco-climatiques principales du Tchad :
- le Grand écosystème fonctionnel de Zakouma en zone soudano-sahélienne,
- le massif de l’Ennedi , les Oasis du Borkou et du Tibesti et les Lacs Ounianga au titre du patrimoine culturel et écologique de la zone sahélo-saharienne.
Les expériences positives d’appui au développement local initiées sous le 10ème FED se reflètent dans la reconnaissance que la concertation est essentielle à la durabilité de la conservation des ressources naturelles au Tchad. Le programme repose sur 3 résultats attendus et privilégie une gestion contractuelle allégée avec un nombre limité d’opérateurs.
Quels sont les principaux défis auxquels font face les aires protégées du Tchad aujourd’hui ?
ABS : Les défis sont multiples et dépassent les capacités (humaines, matérielles et financières) des services en charge de la protection et de la conservation de la biodiversité au Tchad. Il s’agit de faire face aux pressions anthropiques croissantes (en particulier le braconnage organisé et armé), démographiques et économiques, mais aussi au changement climatique.
Les actions de conservation au Tchad ont jusque-là privilégié une approche centrée sur des espèces emblématiques notamment les grands mammifères, comme l’éléphant, présentes à l’intérieur des aires protégées,sans pourtant accorder une importance réelle aux zones périphériques. De ce fait, les besoins des communautés riveraines demeurent pour l’instant difficilement réconciliables avec une logique de conservation (zones tampons, corridors, etc.) poursuivie en zones périphériques des parcs nationaux et réserves de faune.
Jusqu’à présent, seules quelques aires protégées bénéficient d’un appui extérieur des Partenaires Techniques et Financiers et national effectif en terme de conservation. Le programme APEF a été développé pour pallier à ces trois principaux défis.
Selon vous, comment peut-on valoriser les aires protégées au Tchad ?
ABS : La valorisation des aires protégées passe à travers le développement de l’écotourisme à l’exemple du Parc National de Zakouma qui repose sur trois niveaux : camps nomade, campement Tinga et camp Dari.
A titre d’exemple, les statistiques de la campagne 2018-2019 sont satisfaisantes. Au total, la campagne a enregistré 5323 visiteurs. Les nationaux sont les visiteurs les plus nombreux. Cette situation exprime la tendance souhaitée et nous réconforte dans notre vision qui consiste à promouvoir le tourisme à l’échelle du pays.
Pouvez-vous nous mentionner de bons exemples de conservation au Tchad ? Quels ont été les facteurs qui ont contribué à ces réussites ?
ABS : Depuis quelques années, le Tchad a pris des initiatives salutaires dans le domaine de la conservation et les a rendues opérationnelles dans le cadre du programme APEF ainsi que dans d’autres programmes, tels que le programme ECOFAC 6 et le projet Oryx. Il s’agit entre autre de :
- la signature des accords de partenariat avec African Park Networks pour la gestion du Parc National de Zakouma, la Réserve de Faune de Siniaka Minia (en cours de création parc National) et la Réserve Naturelle et Culturelle de l’Ennedi ;
- la réintroduction d’espèces disparues dont le rhinocéros noir dans le Parc National de Zakouma et les oryx et addax dans la réserve de faune de Ouadi Rimé – Ouadi Achim ;
- la création de la Garde Forestière et Faunique qui a pour mission entre autre la lutte anti braconnage au niveau national.