Interview de Didier CARTON, Premier Conseiller DUE au Tchad
Didier CARTON est Premier Conseiller, Chef de Section Sécurité Alimentaire et Environnement à la Délégation de l’Union européenne au Tchad
APEF : Pouvez-vous nous faire un bref historique de la coopération entre l’Union européenne et le Tchad sur la thématique de la biodiversité ?
DC : L’Union européenne est investie au coté du Tchad dans le domaine de la protection de la biodiversité depuis 1989, à travers différents programmes. Elle a investi environ 68 millions d'euros dans diverses actions. Au démarrage, les objectifs étaient de reconstruire le Parc National de Zakouma et de consolider les acquis après une approche de partenariat Public Privé. C’est dans cette perspective qu’est né le Programme APEF, pour le grand bénéfice de la protection de la biodiversité et pour satisfaire un des objectifs du Tchad. Le Tchad était, par ailleurs, longtemps précurseur sur le continent africain en matière de protection de la biodiversité. En effet, dans le cadre du Fonds européen du développement, c’était l’un des deux pays ayant inscrit la protection de la biodiversité comme une priorité nationale.
Au regard des résultats obtenus et des défis à relever, l’Union européenne continue et continuera son appui en faveur des aires protégées du Tchad (AP).
APEF : L’Union européenne finance le Programme APEF. Pourquoi est-il important de soutenir des projets de biodiversité et en particulier de financer des aires protégées?
DC : La biodiversité est un patrimoine mondial . Cette richesse patrimoniale mondiale, aux niveaux génétique, paysage et culturel, appartient naturellement au Tchad, mais aussi à l’ensemble de la communauté internationale. Cette valeur génétique est particulièrement inestimable, parce que certaines espèces ne sont présentes qu’au Tchad.
La biodiversité permet aussi de créer de l’emploi en périphérie des aires protégées soutenues, d’autant plus qu’avec un mode de gouvernance tout à fait satisfaisant, il y a une stabilité qui permet un développement économique et périphérique au bénéfice des populations. Les financements de l’Union Européenne pour les Aires Protégées s'inscrivent dans l'approche de stabilité et développement qui sous-tend la stratégie de l'UE au Tchad et dans la région par le biais du renforcement des dispositifs de Lutte anti-braconnage (LAB) nationaux et transfrontaliers. Ces financements au profit des Aires Protégées se justifient par le fait que les ressources en biodiversité sont des valeurs universelles inestimables représentées par de nombreux sites exceptionnels : spécificités fauniques, préhistoriques, historiques et culturels.APEF : Quelle appréciation faites-vous de la mise en œuvre du Programme APEF trois ans après ?
DC : Les trois ans de mise en œuvre d’APEF se sont traduites par la consolidation du Partenariat Public-Privé (PPP) avec d’importantes réformes institutionnelles notamment :
- la mise en place la Réserve Naturelle et culturelle de l’Ennedi (RNCE),
- la consolidation d’approches novatrices de conservation dans le PNZ via les PPP,
- l’érection en parc national de la Réserve de Faune de Siniaka-Mina (RFSM),
- la création d’une agence de niveau international du type Groupement d’Intérêt Economique (GIP) appelée provisoirement « Tchad - Nature »,
- la révision de la Loi 14,
- la mise en place très prochaine du fonds fiduciaire des AP du Tchad
- et l’élaboration de deux Schémas Provinciaux d’Aménagement du Territoire (SPAT) du Guéra et Salamat.
APEF : Quelles sont les perspectives de coopération après l’APEF?
DC : Dans notre future coopération avec le Tchad dans la Conservation de la biodiversité, l’Union européenne soutiendra les approches territoriales intersectorielles, intégrant conservation et développement communautaire à travers la valorisation économique des ressources naturelles avec un focus sur la promotion de l’économie verte (apiculture, artisanat local, pêche durable, gestion concertée des forêts de bambous, promotion de l’huile de Karité, de Balanites aegyptiaca, Néré, etc.).L’Union européenne soutiendra aussi fortement les espaces où il existe des Partenariats Public-Privé, ce qui garantit un engagement à long terme de l'État.