Arrachid Ahmat Ibrahim, Directeur des relations institutionnelles au Tchad pour Sahara Conservation

Ancien directeur général au Ministère en charge de l’environnement, Arrachid Ahmat Ibrahim est maintenant Directeur des relations institutionnelles au Tchad pour Sahara Conservation pour la Réserve de Faune de Ouadi Rimé - Ouadi Achim (OROA)

APEF : Sahara Conservation est une ONG relativement jeune, pouvez-vous nous présenter cette organisation et ses activités au Tchad ?

AAI : L’ONG Sahara Conservation est une ONG créée en 2004 aux Etats Unis, par M. John Newby. Son siège est actuellement en France, avec des bureaux permanents au Niger et au Tchad.

Sahara Conservation a pour objectifs la préservation des écosystèmes sahélo-sahariens, le Sahara et les prairies sahéliennes abritent depuis longtemps des populations fauniques et des écosystèmes uniques.

Malheureusement, au cours des 50 dernières années, la chasse excessive, le surpâturage, les conditions climatiques changeantes et l'absence d'actions de conservation ont entraîné la perte et la dégradation de nombreux habitats et le déclin et l'extinction d'espèces autrefois abondantes. Sahara Conservation mène des actions de réhabilitation des espèces et des paysages.

Sahara Conservation met en œuvre trois projets au sein de la Réserve de Faune Ouadi Rimé-Ouadi Achim :

  • Le projet de réintroduction d’Oryx, financé par l’Agence d’Abu Dhabi pour l’Environnement,
  • le projet d’appui d’aménagement de réserve de faune Ouadi Rimé-Ouadi Achim (POROA), financé par l’Union européenne
  • une composante du Projet ALBIA qui est financé par la Banque Mondiale.

APEF : Quel est le plan stratégique de SC au Tchad pour les prochains 10 ans, en particulier pour la gestion de la Réserve de Faune de Ouadi Rimé - Ouadi Achim ?

AAI : L’ONG Sahara Conservation s’appuie sur un plan stratégique à l’horizon 2025. Ce plan repose sur 3 piliers :

  • Promouvoir la conservation de la biodiversité sahélo-saharienne, à travers la mobilisation de partenaires, la sensibilisation sur l'importance de la région du sahel et du sahara, et la collaboration avec d'autres ONG clés de conservation;
  • Protéger les paysages, en contribuant à la gestion efficace des aires protégées et des paysages en veillant à ce que les personnes riveraines bénéficient concrètement d'une meilleure gestion;
  • Conserver les espèces, en assurant la conservation à long terme des espèces menacées du Sahel et du Sahara par la conservation in situ mais aussi les réintroductions, la recherche et le suivi.

La Réserve de Ouadi Rimé Ouadi Achim, important espace de conservation au centre du Tchad, a été depuis 2015 le laboratoire de mise en œuvre de ces trois piliers de notre stratégie d’action.


APEF : Quelles sont vos relations avec les autres partenaires de la conservation au Tchad ?

AAI : Nous faisons partie intégrante de la Plateforme des Acteurs de la Conservation au Tchad (PACT), qui est un mécanisme mis en place par le Programme APEF. Nous sommes également dans la plateforme pastorale et en partenariat avec quelques projets, notamment avec le Programme APEF qui joue l’interface entre ECOFAC 6 et POROA, les 2 programmes de l’Union européenne pour la biodiversité au Tchad.

Nous avons aussi un partenariat avec African Parks, acteur clé dans les actions de conservation au Tchad et avec l’ONG nationale APROCOF.

Il s’agit, en général, de relations solides et basées sur le respect mutuel et la bonne collaboration technique et scientifique.

“L’approche à la conservation a changé depuis 2 décennies … On est parti de la gestion en régie à la cogestion. … La tendance est maintenant en train de migrer vers le Partenariat Public-Privé (PPP), une approche qui garantit un financement durable et rassure nos partenaires techniques et financiers.”


APEF : Quels sont selon vous, les enjeux et les défis futurs de la conservation au Tchad ?

AAI : Les principaux enjeux pour la conservation des écosystèmes sahélo-sahariens sont, selon nous, le braconnage, le pastoralisme anarchique et le surpâturage qui en résulte, ainsi que la non planification territoriale et les inconnues de la crise climatique actuelle.

Le défi auquel nous faisons face est le financement à long terme des actions de conservation. Il nous faut obtenir les garanties d’un tel financement pour mener ces actions et d’une volonté politique des gouvernements de les soutenir. Nous espérons que Tchad Nature (future agence indépendante pour les aires protégées et la biodiversité au Tchad) qui est en gestation grâce au Programme APEF, aidera aussi à surmonter ces deux obstacles.

Le renforcement des capacités d’une manière générale et le transfert de compétence, en particulier entre les différentes ONG internationales qui ouvrent au Tchad est un autre défi. Il est important que les institutions publiques tchadiennes bénéficient de ce transfert, surtout en termes de technologie. L’approche à la conservation a changé depuis 2 décennies et cet aspect est à saluer. On est parti de la gestion en régie à la cogestion. Avec le projet POROA, nous avons développé la co-gestion, qui implique les communautés dans la gestion de la Réserve. La tendance est maintenant en train de migrer vers le Partenariat Public-Privé (PPP), une approche qui garantit un financement durable et rassure nos partenaires techniques et financiers.